Le monde moderne nous offre un confort indiscutable. Des innovations telles que l'aqueduc, le réfrigérateur, la toilette qui flushe et le solage en ciment ont contribué à satisfaire d'une façon fiable nos besoins les plus primordiaux selon la
pyramide de Maslow. Par la suite, de nouvelles technologies telles que le micro-ondes et le téléphone cellulaire nous ont fourni des moyens simples et efficaces de combler des besoins plus élevés comme être pressé et se sentir important.
L'avenement de l'informatique à grandement changé la façon dont nous satisfaisons nos besoins. Les jeux vidéos comme Diablo ou World of Warcraft nous fournissent des façons simples et cheap d'avoir le sentiment de s'accomplir en gagnant des niveaux avec un minimum d'effort. Sur internet, la messagerie instantanée et réseaux sociaux comme Myspace et Facebook nous donnent l'illusion d'avoir une vie sociale, satisfaisant des besoins de haut niveau.
Mais revenons à l'essentiel. Au delà des besoins physiologiques liés à la préservation de l'
homéostasie se trouve le besoin de sécurité. Immédiatement, vous pensez qu'un logement, le code criminel et le code de la route sont les principaux vecteurs de satisfaction du besoin de sécurité. Toutefois, vous avez tord. L'apport de sécurité le plus important de notre société est lui aussi dû à l'ère informatique, plus précisément au transfert d'une grande portion du travail humain sur l'ordinateur.
En effet, le fait de travailler sur un ordinateur augmente le niveau de sécurité des êtres humains de 72%, comme le révèle Fabien Tremblay, directeur de l'Institut de Recherches Sociales de la Vielle Capitale (IRSVC). Cet étonnant résultat ne manque pas de soulever une autre question : "Quel(s) facteur(s) ou aspect(s) du travail informatisé confère à l'humain ce sentiment de sécurité?"
La réponse est simple : Contrôle + Z.
Cette fameuse fonction, parfois appelée "Annuler" ou "Undo", consiste à revenir en arrière dans son travail, à annuler la dernière opération effectuée. Imaginez un forgeron au XIVe siècle qui donne un coup de marteau de trop et gâche l'objet qu'il forgeait. Chaque erreur entraine une augmentation significative du cout de production et cause un stress au travailleur qui doit minutieusement planifier chacun de ses gestes.
Aujourd'hui, plus de problème ! L'ingénieur ou le dessinateur industriel, à l'aide d'un ordinateur, façonne en trois dimensions l'objet qui sera par la suite fabriqué avec exactitude par une machine. Si il fait une erreur, il n'a qu'à appuyer sur contrôle + Z et revenir en arrière.
Malheureusement, cet immense apport de sécurité n'est pas sans son revers de médaille. Comme à toute chose, nous nous sommes accoutumés. Nous prenons ce niveau de sécurité pour aquis et son absence nous trouble, comme le confirme le psychologue Gilles Laporte, MA.
"Il y a de plus en plus de gens qui arrivent dans mon bureau en panique. Ils s'en font avec des choses insignifiantes à première vue, mais leur condition est grave. Ils ont ce que l'on appelle le fubar ou la flushed undo buffer anxiety reaction. En français on appelle ça une réaction d'anxiété par perte d'option rétroactive . Ce sont des gens qui ont développé une accoutumance au contrôle Z et en sont complètement dépendants au point ou ils deviennent victimes d'une panique exagérée quand ils font face à une situation ou ils ne peuvent pas revenir en arrière. C'est un syndrome très grave car les personnes atteintes deviennent insouciantes et commettent des actes irrationnels qu'ils n'auraient probablement pas commis s'il avaient eu la lucidité de se demander si c'était la bonne chose à faire. Ils foncent en se disant «Si ça tourne mal, je ferai Contrôle Z»."
Pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des gens atteints du FUBAR, immaginez que vous êtes en train de travailler sur un document Word et que vous effacez plusieurs heures de travail par inadvertance. Votre réaction initiale sera insouciante. «J'ai juste à faire contrôle Z», vous direz vous. Mais voilà que soudainement, la liste des étapes antérieure disparait sous vos yeux sans que vous n'ayez le temps de cliquer. La panique s'empare de vous. Vous avez perdu votre texte. Des heures de travail envolées en fumée... Voilà l'essence du FUBAR.
Celà vous semble impossible ? Vous faites confiance à votre ordinateur ? Vous avez probablement raison, mais dans le domaine de la psychologie humaine, tout est possible et le FUBAR est un excellent exemple des dangers de la déshumanisation du au contact prolongé avec la technologie. Le cerveau humain n'est pas une machine comme on voudrait trop souvent le croire.
Il est également important de noter que l'acronyme
FUBAR est extremement bien choisi car il signifie également, dans le monde de l'informatique, "Fucked Up Beyond All Repair", Ce qui signifie à peut près "Décalissé sans possibilité de réparation".